Nous ne sommes pas d’accord et ne seront jamais d’accord : c’est le mot d’ordre lancé par les ressortissants de Garghin et environnants ce samedi 4 mars 2023 au cours d’une conférence de presse de protestation contre le déguerpissement enclenché par la SONATUR (Société Nationale d’Aménagement des Terres Urbaines).
Selon eux, la société d’État leur force la main pour les exproprier des «terrains de leurs ancêtres». Moussa Nikiema, sexagénaire fait partie des protestataires du jour. À l’entendre, c’est le «manque de franchise» de la SONATUR qui est à la base de la frustration. «Nous sommes mécontents du comportement de la SONATUR. Ils ne peuvent pas venir nous chasser avec des Kalashnikovs. S’ils étaient francs, on pouvait s’entendre, mais avec le mensonge pour faire croire qu’ils ont acquis la terre depuis plus de 30 ans, on ne peut pas s’entendre», fustige le sexagénaire. Il poursuit en rappelant que ce sont leurs parents qui ont cédé gratuitement la zone de Ouaga 2000 à la SONATUR et qu’en retour, on ne leur a rien donné. «Nos enfants ont vu que les sociétés immobilières proposent mieux. Comme la SONATUR a fait des parcelles sans rien donner aux propriétaires terriens et quand les sociétés immobilières sont venues, ils nous donné des parcelles, nous considérons ces sociétés plus que la SONATUR. Les sociétés immobilières sont venues nous aider. Il faut que la SONATUR sache que toute arnaque a une fin. Ils ne peuvent pas nous considérer comme des djihadistes (terroristes ndlr) pour nous menacer avec des armes», met-il en garde.
Pour Antoine KAFANDO qui dit avoir participé à tout le processus de morcellement des terres mises en cause, la procédure normale a été respectée de l’arrondissement de base au ministère de l’habitat en passant par la SONATUR afin d’éviter le couac qui secoue les deux parties à présent.
«Le morcellement que nous avons fait, c’est depuis 2007, mais bien avant ça, nous nous sommes rendus à l’arrondissement 12, et ils ont apprecié notre démarche parce que la zone était un nid de voleurs. Comme on a remarqué qu’il y avait un passage de la SONABEL, on a écrit au DG de la SONABEL qui est venu sur le terrain accompagné des responsables de l’arrondissement. Et il a dit que selon lui, il n’y a pas d’empêchement. La SONABEL et l’ONEA nous ont dit de laisser 3m pour qu’ils puissent nous desservir l’eau et le courant électrique. Après la SONATUR a communiqué pour dire que c’est pour eux, nous nous sommes rendus chez eux, ils n’ont pas voulu nous recevoir, après insistance, ils nous ont reçu. Le DG sortant de la SONATUR a dit que lui il est nouveau, donc il ne peut parler de l’affaire. Il a dit qu’il y a 3 personnes qui sont les plus anciens. On est parti, on a pris un avocat, on leur a demandé de nous montrer un texte qui montre que ça leur appartient et c’est le projet Ouaga 2000 ils ont fait sortir alors que le projet Ouaga 2000 n’arrive pas dans la zone. La SONATUR même avait dit même ouvertement que ces terrains ne leur appartiennent pas. Pourquoi le DG qui vient de monter signe un papier le 23 février pour dire que c’est pour eux ? Nous ne sommes même pas d’accord. Le projet Ouaga 2000, ce sont nos champs qu’ils ont pris morceller pour s’enrichir. Les bornes qu’ils ont enlevé, si c’est nous on essaie de s’affronter, ils vont dire quoi ? On respecte la tenue, mais ce n’est pas la bonne voie qu’ils ont emprunté».
Le Président d’honneur de l’Organisation nationale des syndicats libres du Burkina (ONSLB), présent à la conférence de presse, les autorités politiques doivent avoir l’oreille attentif au problème posé par les populations car dit-il, «on ne doit pas se battre quand la pluie nous bat déjà». Invitant la population à la retenue, il a promis engager une démarche pour rencontrer le ministre de l’habitat pour une issue de crise. « Ce n’est pas normal que depuis 1990, c’est maintenant on leur demande de quitter les lieux. Ils ont fait des investissements sur ces zones. Ils sont 13 assis ici, désemparés, dont un chef de terre. On peut s’asseoir pour discuter. Mais nous allons tout faire pour aller voir le ministre d’État chargé de la Fonction publique [Bassolma Bazié ndlr] pour plaider pour une rencontre avec le ministre de l’habitat pour trouver une issue favorable. Dans un gouvernement qui recherche la cohésion sociale, il ne faut pas mettre les chefs coutumiers à dos», a laissé entendre Paul Kaboré.
Le Chef de terre de Balkuy a pour sa part invité les autorités à consulter les ancêtres pour tirer cette affaire au clair. «Nous ne serons jamais avec la SONATUR. C’est la force qu’ils veulent nous faire. Nous voulons qu’on dise au ministre que si c’est la force ils veulent nous faire, on n’a qu’à se croiser pour laisser le procès aux ancêtres. Nous sommes prêts à mourir, nous ne céderons jamais ces terres à la SONATUR», interpelle-t-il.
En rappel, le 23 février dernier, la SONATUR a donné l’ordre à des propriétaires de maison à Garghin de démolir leurs constructions sous peine de représailles.
Pierre BONKOUNGOU