DRABO Amba Victorine
Chargé de recherches
Institut des sciences des sociétés (INSS)
Centre national de la Recherche Scientifique et Technologique (CNRST) Burkina-Faso
Titre : Construction du sens dans le recueil de nouvelles La Vengeance de Ruth et huit autres nouvelles de Marie Bernadette TIENDREBEOGO
Résumé
Ce travail est tiré de DRABO Amba Victorine (2025), un article scientifique portant sur la construction du sens dans le recueil de nouvelles intitulé La Vengeance de Ruth.
Le signe devient symbole par création car créé par convention et demande une certaine culture pour le comprendre. Tout comme un muscle qui réagit à une excitation, le destinateur d’un message, pendant la communication directe ou différée arrive à travers les mots et autres supports à créer de l’émotion chez le récepteur. On écrit pour signifier ; pour faire comprendre quelque chose à quelqu’un. Cependant la signification dans l’œuvre littéraire se mesure sous plusieurs angles. Elle est non seulement un produit de l’esprit (l’induction, la déduction), mais aussi celui du corps (sensation). C’est dire que la communication ne se borne pas seulement à l’échange verbal. Sa réussite dépend aussi de certains paramètres comme l’émotion. Ceci vient davantage appuyer l’argument sur la double nature du discours selon qu’il est, ou peut avoir une forme propre ou figurée. L’herméneutique pourrait également avoir l’avantage de donner sens à des objets qui n’en avaient pas. Il est donc ici question du récepteur du message qui doit se baser sur des principes pour repérer le sens. Autrement dit, il lui faut savoir « observer les ressemblances », comme le recommande ARISTOTE, de l’interprète des songes.
- Introduction
L’écriture d’une œuvre littéraire, est l’entame d’un acte de communication qui s’achève par la bonne réception du lecteur. Pour ce faire, le texte littéraire comporte des unités de signification articulées de diverses façons. Si Allan Edgar POE reconnaît le sentiment comme voix d’accès au lecteur, il reconnaît également le raisonnement comme guide de celui-ci (le lecteur). La preuve est que ses œuvres sont timbrées d’un enchainement logique sans pareil .Il s’est personnellement investit dans une nouvelle technique littéraire que Baudelaire nomme » application de la logique à la littérature d’imagination ». Une autre preuve est le baptême d’une de ses œuvres « Contes de ratiocination « où il nie l’existence même du surnaturel par lequel certains l’identifiaient. Ces contes sont réputées être comme des cryptogrammes dont le sens ne se dévoile pas à première vue. Le mot de référence (selon BAUDELAIRE) pour ce jeu intellectuel qu’Allan Edgar POE construit dans cette œuvre est » la rationalité » étant donné, le raisonnement qui y est construit. Et la construction du sens du texte est une démarche vers sa compréhension qui passe forcément par des opérations mentales. C’est à travers cette valeur de l’œuvre littéraire que Dominique MAINGUENEAU voit en celle-ci comme une source d’enrichissement pour son lecteur. Il le dit en ces termes :
Mais on n’oubliera pas que la lecture des œuvres contribue aussi à enrichir les savoirs du lecteur en l’obligeant à faire des hypothèses interprétatives qui excèdent la littéralité des énoncés. (Maingueneau, 2001 :37)
- Méthodologie
Cette question est d’autant plus importante qu’elle intéresse et continue d’intéresser plusieurs autres domaines. Outre le domaine linguistique, psychologique et biologique, la philosophie, à travers ARISTOTE surtout, s’y intéresse. L’approche philosophique du langage elle, met en relation, trois éléments émanant de celle-ci : les sons et les mots, les états de l’âme et les choses du monde. Avant tout développement, nous remarquerons que cette distinction, précisément la première partie, à savoir les sons et les mots, reconnaît le langage dans sa double face, parlée et écrite : le son au parler, est l’image du mot à l’écrit. Et la relation entre ces trois éléments du langage, prouve qu’elle n’est pas que signifié, mais signifiant. Elle signifie en définissant à la fois l’état d’âme et l’environnement culturel de l’individu qui l’utilise. Cette citation d’Aristote confirme davantage l’idée :
Les sons émis par la voix sont les symboles des états de l’âme, et les mots écrits, les symboles des mots émis par la voix. Et de même que l’écriture n’est pas la même chez tous les hommes, les mots parlés ne sont pas non plus les mêmes, bien que les états de l’âme dont ces expressions sont les signes immédiats soient identiques chez tous, comme sont identiques aussi les choses dont ces états sont les images. (Ludwig, 1977 :10)
- Résultats
À l’issue de l’analyse, nous présentons les résultats en trois points.
3.1- Le symbole comme voie d’accès au sens
Le symbole est un signe qui se révèle par une association d’idées générales. C’est pourquoi l’objet chargé de symboliser est choisi en fonction d’une certaine virtualité, mettant du coup en veilleuse les autres virtualités. Il témoigne donc du crédit de communication que l’on accorde à une œuvre à travers l’influence que l’auteur compte exercer sur le lecteur. Si nous nous fions à l’avis de L. PRIETO sur les signaux d’information, le symbole relève du faire savoir en ce sens, qu’il se présente comme voix d’accès au sens d’un message. Cela est davantage perceptible si l’on considère le mot auteur (d’une œuvre) sous cette définition du glossaire de sémiotique : « personne créant ou ayant créé un texte au sein d’une pratique culturelle donnée. ».
L’intention de symboliser est autrement vue par Umberto ECO. Lui il l’aborde sous l’angle de structure ; et mieux encore, Umberto ECO le lie à l’état de la structure, une structure absente. Selon Umberto ECO, il existe une structure réelle et une structure posée par déduction. Cette dernière est celle à qui nous attribuerons le nom de symbole. Dans les nouvelles étudiées, le symbole fuse et participe à la construction du sens.
3.2- La logique comme accès au sens
Chez les auteurs anciens, la logique est vue sous l’angle de la sémantique. Ainsi, elle est une passerelle pouvant conduire au sens d’un signe ou d’une chose quelconque ; surtout que pour Aristote le signe est considéré comme un syllogisme tronqué, celui où manque la conclusion. Cependant, notons que la logique, en fonction de l’évolution de la réflexion sur la notion, est décomposable en deux partie : la logique ancienne et celle moderne.
*La logique ancienne est une logique prédicative, c’est-à-dire qui passe d’un prédicat à l’autre. En ce sens, dans ce raisonnement syllogistique bien connu : Tous les Hommes sont mortels, or Socrate est un Homme, donc il est mortel, la logique est établie entre mortels et Hommes.
*La logique moderne par contre, elle, est interpropositionnelle en ce sens qu’elle permet de passer d’une proposition à une autre à travers la même idée. Cette dernière est davantage une logique interprétative qui à notre sens semble plus riche et plus entreprenante que la première. Voici comment elle se traduit : à la proposition, “ cette femme a du lait”, il est possible de juxtaposer une autre susceptible de traduire la même idée, celle que voici : “ cette femme a enfanté”. À travers cet exemple, il apparaît très clairement que cette logique est essentielle du moment où elle permet de passer de la substance à l’évènement. Elle est comme une logique macrostructurale permettant de rapprocher deux réalités voir deux mondes. Par-là, celle-ci paraît essentielle pour une sémantique littéraire au regard des deux mondes qu’elle rapproche. D’une part, un monde de fiction et d’autre part, un monde réel ; ou encore d’une part, le monde de l’écrivain et d’autre part celui du lecteur.
3.3- Le processus de déduction
La déduction est un raisonnement ; mais contrairement au raisonnement naturel, elle est un raisonnement formel. C’est un terme bien connu des psychologues sans être étrange au domaine de la littérature. D’ailleurs les psychologues l’utilisent surtout dans le cadre de l’analyse voire la compréhension des textes de récits. Il n’est pas aussi étonnant de rencontrer ce mot au centre des analyses littéraires produites par des littéraires. Ainsi, Michel PATILLON dans son ouvrage titré Précis d’analyse littéraire. Les structures de la fiction, fait référence à ce terme sous la dénomination, ″motivation psychologique″.
Déduction vient du verbe déduire qui veut dire « tirer comme conséquence logique » ou encore « soustraire d’une somme » (Larousse 2002 :307). La déduction va du général au particulier. Cette technique est de façon générale, le propre même de la production littéraire ; elle qui part souvent d’un fait social général pour construire un fait singulier. La déduction demande au lecteur de l’œuvre une disposition contraignante où il doit tenir un pied dans l’œuvre et l’autre hors. La contrainte de la déduction est aussi basée sur l’expérience. Le lecteur dans ce cas se base sur son expérience de la vie ou du monde pour construire le sens du texte. On acquiesce facilement quelque chose que l’on connaît déjà. Elle se base sur la connaissance. Contrairement à l’inférence qui va du particulier au général dans le cadre interne de l’œuvre, la déduction elle va du général pour acquiescer le particulier. Ici, l’œuvre exige de son lecteur un niveau de culture acceptable.
Il y a qu’elle peut procéder par inférence en mettant en exergue uniquement le comportement défendu tout en laissant celui permis à la déduction du lecteur.
- Conclusion
Au regard de ce qui se révèle à travers l’analyse des différentes nouvelles, nous constatons qu’elles résolvent d’une manière originale les problèmes qui constituent la pierre d’achoppement des différentes conduites de vie. En considérant la conduite de vie comme un comportement pratique observable, elle est donc la manifestation extérieure de l’habitus. L’habitus de l’être humain de façon générale, mais aussi et surtout, l’habitus de l’Homme burkinabè en tant qu’être culturel, appartenant à une culture précise. Il ressort clairement de cette analyse que ce recueil de nouvelles est une véritable donneuse de leçon, une leçon qui prend soit la forme de conseil, soit la forme d’interpellation, d’alerte ou d’intimidation.
- Références bibliographiques
Corpus
TIENDREBEOGO Marie Bernadette, 1998, « La vengeance de Ruth et huit autres nouvelles (2e édition) », Éditions Presses de l’imprimerie de la savane, Bobo-Dioulasso.
Autres références
BOUGNOUX Daniel, 2001. « Introduction aux sciences de la communication », Nouvelle édition, Editions La découverte, Paris.
DRABO Amba Victorine, 2025. « Construction du sens dans le recueil de nouvelles La Vengeance de Ruth et huit autres nouvelles de Marie Bernadette TIENDREBEOGO », in strad research journal, november 2025, ISSN :0039-2049.
ECO Umberto, 1988. « Sémiotique et philosophie du langage, Paris, Editions PUF. 1985 EVERAERT- DESMEDT Nicole,Sémiotique du récit (3e édition) », De Boeck Université, Belgique.
Gilbert HOTTOIS, 1985. « Science-fiction et fiction spéculative », Édition de l’Université de Bruxelles.
HOTTOIS Gilbert, 2002. « Penser la logique. Une introduction technique et théorique à la philosophie de la logique et du langage 2e édition », De Boeck, Bruxelles.
PATILLON Michel, 1997. « Précis d’analyse littéraire. Les structures de la fiction », Nathan, Paris.
LUDWIG Pascal,1977. « Le langage », Éditions Flammarion Paris.
MAINGUENEA Dominique, 2001. « Pragmatique pour le discours littéraire », Nathan/HER, Paris.
