Lettre à El Hadj Moussa Kouanda : “Monsieur le Président, Ces paroles sont un poison pour la cohésion sociale au Burkina, et pour l’image de la religion musulmane. En effet, suite à vos propos, il sera difficile à un musulman de convaincre les Burkinabè que l’Islam n’a rien à voir avec le terrorisme.”

Ceci est une lettre ouverte d’un citoyen à El Hadj Moussa Kouanda, Président de la Communauté Musulmane du Burkina Faso.

Monsieur le Président,

Assalam’alaikoum !

A l’entame de la nouvelle année, bien que nous n’y sommes pas selon le calendrier islamique, je prie Allah Le Miséricordieux qu’il vous accorde la santé, raffermisse votre foi, et fasse grâce de la sécurité et de la paix à notre cher Burkina Faso.

 

La sécurité et la paix, voici ce qui manque le plus à notre nation. C’est d’ailleurs la demande principale adressée à Dieu par tous les croyants burkinabè.

Nous demandons à Dieu la paix, mais notre comportement n’est souvent pas porteur de paix.

 

En effet, Monsieur le Président, j’ai suivi avec attention vos propos tenus à l’Assemblée générale de la Ligue Nationale des Arabophones du Burkina (LINAB) le 03 janvier 2023 au siège du Conseil Burkinabè des Chargeurs (CBC) à Ouagadougou, propos relayés sur les réseaux sociaux en direct.

Dans votre allocution en langue mooré, prononcée avec Cheick Doukouré à vos côtés, on vous entend dangereusement alléguer que ceux qui attaquent le Burkina Faso ont des raisons légitimes de le faire. Pour vous, ces terroristes qui nous tuent sont frustrés parce que, ayant été alphabétisés en arabe, ils n’arrivent pas à intégrer le système. De ce fait, ils ne peuvent pas à procurer à leurs familles ce que procurent ceux qui ont été éduqués dans le système francophone aux leurs. Pour illustrer vos propos, vous dites que ces derniers roulent en grosses voitures et offrent des maisons à étage à leurs parents, ce que ne peuvent pas faire les arabophones, toute chose qui les pousse à prendre les armes. Donc pour vous, les terroristes sont des musulmans frustrés et nous devons comprendre cette frustration. Pour vous, le combat que mènent les terroristes est tout à fait légitime.

 

Monsieur le Président,

Ces propos sont très graves et à la limite de l’irresponsabilité pour un président de communauté musulmane.

 

Par ces propos, vous contredisez la Communauté musulmane et vous vous contredisez vous même. En effet, depuis le début des attaques terroristes, vous-même et les autres dirigeants de la Communauté musulmane avez expliqué aux Burkinabè que ces gens qui nous attaquent ne sont pas des musulmans, et que ce qu’ils font n’a rien à voir avec l’Islam. Aujourd’hui, vous dites aux Burkinabè que les terroristes sont des musulmans frustrés par une injustice. Et vous incluez ces terroristes dans le combat que mènent les arabophones contre ce que vous qualifiez d’injustice.

 

Monsieur le Président,

Ces paroles sont un poison pour la cohésion sociale au Burkina, et pour l’image de la religion musulmane. En effet, suite à vos propos, il sera difficile à un musulman de convaincre les Burkinabè que l’Islam n’a rien à voir avec le terrorisme.

 

Vous avez jeté en pâture tous ces vaillants croyants burkinabè ayant étudié le Saint Coran ou la langue arabe, en consolidant une certaine stigmatisation qui les accuse d’être des terroristes. Vous avez livré les musulmans aux ennemis de l’islam, en leur servant un argument de taille.

 

Et que dire des musulmans pieux qui sont aussi de loyaux fonctionnaires, ces étudiants et élèves musulmans de l’école classique qui sont des citoyens modèles ?

 

Depuis toujours, la FAIB, la Communauté Musulmane, le CERFI, l’AEMB et d’autres structures se sont évertués à construire la coexistence pacifique, la tolérance entre les religions, et une solidarité agissante à l’égard des citoyens nécessiteux, sans discrimination. Ce sont ces longues années de sacerdoce que vous venez remettre en cause, par vos propos indignes.

 

Outre cela, par votre tentative de défendre les crimes des terroristes, vous insultez la mémoire de tous ceux qui ont été tués lâchement par ces hordes, parmi lesquels il y a des musulmans, des chrétiens et des adeptes d’autres religions. Que les âmes de ces concitoyens reposent en paix !

 

Monsieur le Président,

Un responsable de votre niveau ne peut pas justifier le terrorisme, c’est-à-dire l’utilisation de la violence aveugle et indiscriminée pour atteindre un but.

 

A supposer même que ces terroristes soient frustrés, est-ce que les pauvres populations qu’ils massacrent sont responsables de leurs frustrations ? Est-ce que les nombreux arabophones qu’ils tuent sont responsables de leurs frustrations ?

 

Frustration pour frustration, notre pays couve des frustrations nombreuses et diverses. Si tous ceux qui sont frustrés dans notre pays, pour une raison ou une autre, devaient prendre le chemin du terrorisme, vous pensez que le Burkina serait vivable ?

 

Monsieur le Président,

Le plus grave encore, c’est que le fond de votre argumentation est faux.

 

D’abord, combien de terroristes au Burkina ont fait l’école arabophone ? Quand les terroristes s’expriment entre eux, parlent-ils en arabe ? Combien de terroristes savent lire et écrire arabe ? Combien savent lire le Saint Coran?

Si vous approchez les services de sécurité qui les arrêtent, vous saurez que rares sont ceux qui, parmi ces terroristes, parlent arabe ou savent lire le Coran.

 

Des informations qui nous parviennent, même des étudiants, diplômés de l’université francophone, ont rejoint les rangs des terroristes. C’est l’éducation arabophone qui les a conduits là-bas ?

 

Il n’y a pas de lien direct entre l’école arabophone et le terrorisme. A en croire vos propos, c’est comme si l’école arabophone est une usine à terrorisme, ce qui est tout à fait inexact, et même dangereux.

 

Ensuite, combien de gens qui ont fait l’école francophone, construisent des étages pour leurs papas au village ? Les maisons à étage qui sont dans votre propre village ont-ils été construits par des gens qui ont fait l’école moderne ? Ceux qui ont fait l’école francophone deviennent en général fonctionnaires de l’Etat. Certes, il y a des fonctionnaires de l’Etat qui sont devenus riches par la corruption. Mais vous savez bien que c’est une extrême minorité. L’écrasante majorité des fonctionnaires peinent à joindre les deux bouts. Le fonctionnaire burkinabè travaille toute sa vie pour essayer d’avoir une seule maison à léguer à ses enfants. D’ailleurs, c’est la misère des fonctionnaires qui a fait que, dans beaucoup de familles musulmanes, on incite plutôt les enfants à quitter l’école pour chercher l’argent.

 

Dans nos villages aujourd’hui, les plus belles maisons n’appartiennent pas aux ressortissants fonctionnaires, mais plutôt aux commerçants qui n’ont pas été à l’école francophone, et dont certains ont fait l’école arabophone. Vous-même, vous en êtes un exemple concret.

De manière générale, si on se situe sur le terrain des biens matériels comme vous le faites, tout le monde sait que l’école francophone ne rend pas riche. Au contraire, la formation qu’elle donne est fortement critiquée parce qu’elle ne permet pas de se débrouiller dans la vie. Les hommes les plus riches de ce pays ne sont pas le produit de l’école moderne. D’ailleurs, si le système francophone est si injuste à l’égard des arabophones, comment se fait-il alors qu’il leur permet de s’enrichir et de compter beaucoup de milliardaires dans leurs rangs?

 

Monsieur le Président,

Il est inexact de dire qu’il y a 70% d’arabophones au Burkina. Quelqu’un est arabophone quand il a été alphabétisé en arabe, c’est-à-dire quand il sait parler et / ou écrire en arabe. Combien de Burkinabè parlent et / ou écrivent arabe ? Ils sont loin, très loin de valoir 70% de la population. Même au sein de la population musulmane, combien parlent et écrivent arabe ? C’est une minorité. Tous prient en arabe, mais cela ne veut pas dire qu’ils parlent et écrivent arabe. Loin de là !

Les statistiques révèlent que le taux global d’alphabétisation (en mooré, en arabe, en français, en dioula, tout confondu) était de 29,7% en 2019, lors du recensement de la population.

 

Si la population entière est alphabétisée à hauteur de 30%, comment ceux qui sont alphabétisés en arabe peuvent-ils atteindre 70% de la population ?

 

Le taux brut de scolarisation au primaire a atteint 88,8 pour cents en 2019. Le taux d’achèvement du primaire est de 61,7 pour cents. En d’autres termes, 88,8% des enfants qui naissent dans notre pays vont à l’école primaire, et 61,7% terminent le primaire. Il y a 2500 écoles franco-arabes au Burkina, dont environ 400 pour le post-primaire. Les écoliers qui fréquentent les écoles franco-arabes au niveau du primaire, représentent 9% de l’ensemble des écoliers du primaire.

 

Comment, sur quelle base et par quelle magie, avec toutes ces données citées plus haut, on peut aboutir à une population arabophone qui ferait 70% de la population totale ?

Vous semblez confondre le fait d’être musulman avec le fait d’être arabophone. On dit généralement que les musulmans repressentent entre 60 et 70% de la population, ce qui, du reste, n’est pas vérifié. Même si cela était vrai, cela n’implique pas que 70% de la population est arabophone.

Cela dit, la question que vous posez, celle de l’intégration des arabophones dans l’Administration est légitime et mérite considération. Et je crois savoir que les différents régimes qui se sont succédé l’ont examiné.

 

Rien que samedi dernier, sur la page Facebook du Ministère en charge de la Fonction publique, j’ai vu la publication des résultats d’un concours de recrutement de professeurs des écoles, option franco-arabe.

Par ailleurs, le 20 mai 2014, notre pays a lancé le Projet d’appui à l’enseignement primaire bilingue Franco-Arabe (PREFA), avec l’appui de la Banque Islamique de Développement (BID).

L’accord cadre en a été conclu le 20 mai 2014, pour une durée de quatre (4) ans. Cette phase du PREFA devait se clôturer en décembre 2018. Cependant, compte tenu de la pertinence du projet, le gouvernement du Burkina Faso, à travers le Ministère de l’Education Nationale, de l’Alphabétisation et de la Promotion des Langues Nationales (MENA-PLN), a bénéficié d’un contrat de subvention du Fonds Fiduciaire d’Urgence de l’Union Européenne (UE) pour poursuivre la mise en œuvre du programme.

Vous et les membres du bureau de la communauté musulmane êtes parfaitement informés de ce projet.

 

En écrivant cette lettre, je suis tombé sur les images d’une cérémonie datant du mardi 25 mai 2021, où vos représentants et le ministre de l’Education nationale, de l’Alphabétisation et de la Promotion des Langues nationales, recevaient des mains de Monsieur Luc Hallade, Ambassadeur de France, (oui le même) un appui de soixante et un millions quatre mille huit (61 004 008) FCFA au profit des écoles franco-arabes.

La question ne se pose pas uniquement au Burkina. Elle se pose également au Niger, au Mali, au Sénégal, etc., pays dont les proportions de musulmans et même d’arabophones sont largement supérieures à celle du Burkina.

Ainsi, le 20 février 2020 à l’hôtel RAN de Ouagadougou, s’est tenue un forum sous régional sur l’employabilité des jeunes sortants des écoles franco-arabes (EFA). Ce forum avait pour objectif de favoriser un partage d’expériences entre le Burkina, le Mali, le Niger et le Sénégal, en vue de l’insertion professionnelle de ces scolaires. Votre représentant y était.

 

Tout cela montre que, non seulement la question n’est pas taboue, mais que tous les régimes successifs ont cherché une bonne solution au problème.

 

Dans le même registre, le Projet d’appui à l’éducation bilingue franco-arabe (PREFA) a organisé un atelier national de réflexion sur la problématique de l’éducation bilingue franco-arabe les 2 et 3 septembre 2022 à Bobo-Dioulasso. Lors de cet atelier, le représentant de la Fédération des associations islamiques du Burkina (FAIB), El Hadj Ahmad Sanogo, a déclaré : « Nous constatons une volonté politique à travers les nombreux ateliers de renforcement de capacités et la prise de résolutions en rapport avec nos recommandations ».Le coordonnateur du PREFA, Amadou Sidibé, a précise que l’atelier allait aussi se pencher sur la subvention de l’Etat en faveur de la FAIB, afin de trouver une réponse adéquate à l’insertion socioprofessionnelle de « 400 000 diplômés ». Où est l’escroquerie et l’injustice dont vous parlez ? Quand vous présentez les choses, donnez toutes les informations !

 

Monsieur le Président,

Toujours dans votre argumentaire, vous dites que c’est parce qu’on privilégie les francophones contre les arabophones que rien ne marche. Par là, vous insinuez que si le pays était dirigé par les arabophones, les choses iraient mieux.

 

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Lettre à El Hadj Moussa Kouanda : “Vous avez jeté en pâture tous ces vaillants croyants burkinabè ayant étudié le Saint Coran ou la langue arabe”

9 janvier 2023

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Nabi BAYALA

Temps de lecture estimé : 19mn

 

Ceci est une lettre ouverte d’un citoyen à El Hadj Moussa Kouanda, Président de la Communauté Musulmane du Burkina Faso.

 

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Monsieur le Président,

Assalam’alaikoum !

A l’entame de la nouvelle année, bien que nous n’y sommes pas selon le calendrier islamique, je prie Allah Le Miséricordieux qu’il vous accorde la santé, raffermisse votre foi, et fasse grâce de la sécurité et de la paix à notre cher Burkina Faso.

 

La sécurité et la paix, voici ce qui manque le plus à notre nation. C’est d’ailleurs la demande principale adressée à Dieu par tous les croyants burkinabè.

Nous demandons à Dieu la paix, mais notre comportement n’est souvent pas porteur de paix.

 

En effet, Monsieur le Président, j’ai suivi avec attention vos propos tenus à l’Assemblée générale de la Ligue Nationale des Arabophones du Burkina (LINAB) le 03 janvier 2023 au siège du Conseil Burkinabè des Chargeurs (CBC) à Ouagadougou, propos relayés sur les réseaux sociaux en direct.

Dans votre allocution en langue mooré, prononcée avec Cheick Doukouré à vos côtés, on vous entend dangereusement alléguer que ceux qui attaquent le Burkina Faso ont des raisons légitimes de le faire. Pour vous, ces terroristes qui nous tuent sont frustrés parce que, ayant été alphabétisés en arabe, ils n’arrivent pas à intégrer le système. De ce fait, ils ne peuvent pas à procurer à leurs familles ce que procurent ceux qui ont été éduqués dans le système francophone aux leurs. Pour illustrer vos propos, vous dites que ces derniers roulent en grosses voitures et offrent des maisons à étage à leurs parents, ce que ne peuvent pas faire les arabophones, toute chose qui les pousse à prendre les armes. Donc pour vous, les terroristes sont des musulmans frustrés et nous devons comprendre cette frustration. Pour vous, le combat que mènent les terroristes est tout à fait légitime.

 

Monsieur le Président,

Ces propos sont très graves et à la limite de l’irresponsabilité pour un président de communauté musulmane.

 

Par ces propos, vous contredisez la Communauté musulmane et vous vous contredisez vous même. En effet, depuis le début des attaques terroristes, vous-même et les autres dirigeants de la Communauté musulmane avez expliqué aux Burkinabè que ces gens qui nous attaquent ne sont pas des musulmans, et que ce qu’ils font n’a rien à voir avec l’Islam. Aujourd’hui, vous dites aux Burkinabè que les terroristes sont des musulmans frustrés par une injustice. Et vous incluez ces terroristes dans le combat que mènent les arabophones contre ce que vous qualifiez d’injustice.

 

Monsieur le Président,

Ces paroles sont un poison pour la cohésion sociale au Burkina, et pour l’image de la religion musulmane. En effet, suite à vos propos, il sera difficile à un musulman de convaincre les Burkinabè que l’Islam n’a rien à voir avec le terrorisme.

 

Vous avez jeté en pâture tous ces vaillants croyants burkinabè ayant étudié le Saint Coran ou la langue arabe, en consolidant une certaine stigmatisation qui les accuse d’être des terroristes. Vous avez livré les musulmans aux ennemis de l’islam, en leur servant un argument de taille.

 

Et que dire des musulmans pieux qui sont aussi de loyaux fonctionnaires, ces étudiants et élèves musulmans de l’école classique qui sont des citoyens modèles ?

 

Depuis toujours, la FAIB, la Communauté Musulmane, le CERFI, l’AEMB et d’autres structures se sont évertués à construire la coexistence pacifique, la tolérance entre les religions, et une solidarité agissante à l’égard des citoyens nécessiteux, sans discrimination. Ce sont ces longues années de sacerdoce que vous venez remettre en cause, par vos propos indignes.

 

Outre cela, par votre tentative de défendre les crimes des terroristes, vous insultez la mémoire de tous ceux qui ont été tués lâchement par ces hordes, parmi lesquels il y a des musulmans, des chrétiens et des adeptes d’autres religions. Que les âmes de ces concitoyens reposent en paix !

 

Monsieur le Président,

Un responsable de votre niveau ne peut pas justifier le terrorisme, c’est-à-dire l’utilisation de la violence aveugle et indiscriminée pour atteindre un but.

 

A supposer même que ces terroristes soient frustrés, est-ce que les pauvres populations qu’ils massacrent sont responsables de leurs frustrations ? Est-ce que les nombreux arabophones qu’ils tuent sont responsables de leurs frustrations ?

 

Frustration pour frustration, notre pays couve des frustrations nombreuses et diverses. Si tous ceux qui sont frustrés dans notre pays, pour une raison ou une autre, devaient prendre le chemin du terrorisme, vous pensez que le Burkina serait vivable ?

 

Monsieur le Président,

Le plus grave encore, c’est que le fond de votre argumentation est faux.

 

D’abord, combien de terroristes au Burkina ont fait l’école arabophone ? Quand les terroristes s’expriment entre eux, parlent-ils en arabe ? Combien de terroristes savent lire et écrire arabe ? Combien savent lire le Saint Coran?

Si vous approchez les services de sécurité qui les arrêtent, vous saurez que rares sont ceux qui, parmi ces terroristes, parlent arabe ou savent lire le Coran.

 

Des informations qui nous parviennent, même des étudiants, diplômés de l’université francophone, ont rejoint les rangs des terroristes. C’est l’éducation arabophone qui les a conduits là-bas ?

 

Il n’y a pas de lien direct entre l’école arabophone et le terrorisme. A en croire vos propos, c’est comme si l’école arabophone est une usine à terrorisme, ce qui est tout à fait inexact, et même dangereux.

 

Ensuite, combien de gens qui ont fait l’école francophone, construisent des étages pour leurs papas au village ? Les maisons à étage qui sont dans votre propre village ont-ils été construits par des gens qui ont fait l’école moderne ? Ceux qui ont fait l’école francophone deviennent en général fonctionnaires de l’Etat. Certes, il y a des fonctionnaires de l’Etat qui sont devenus riches par la corruption. Mais vous savez bien que c’est une extrême minorité. L’écrasante majorité des fonctionnaires peinent à joindre les deux bouts. Le fonctionnaire burkinabè travaille toute sa vie pour essayer d’avoir une seule maison à léguer à ses enfants. D’ailleurs, c’est la misère des fonctionnaires qui a fait que, dans beaucoup de familles musulmanes, on incite plutôt les enfants à quitter l’école pour chercher l’argent.

 

Dans nos villages aujourd’hui, les plus belles maisons n’appartiennent pas aux ressortissants fonctionnaires, mais plutôt aux commerçants qui n’ont pas été à l’école francophone, et dont certains ont fait l’école arabophone. Vous-même, vous en êtes un exemple concret.

De manière générale, si on se situe sur le terrain des biens matériels comme vous le faites, tout le monde sait que l’école francophone ne rend pas riche. Au contraire, la formation qu’elle donne est fortement critiquée parce qu’elle ne permet pas de se débrouiller dans la vie. Les hommes les plus riches de ce pays ne sont pas le produit de l’école moderne. D’ailleurs, si le système francophone est si injuste à l’égard des arabophones, comment se fait-il alors qu’il leur permet de s’enrichir et de compter beaucoup de milliardaires dans leurs rangs?

 

Monsieur le Président,

Il est inexact de dire qu’il y a 70% d’arabophones au Burkina. Quelqu’un est arabophone quand il a été alphabétisé en arabe, c’est-à-dire quand il sait parler et / ou écrire en arabe. Combien de Burkinabè parlent et / ou écrivent arabe ? Ils sont loin, très loin de valoir 70% de la population. Même au sein de la population musulmane, combien parlent et écrivent arabe ? C’est une minorité. Tous prient en arabe, mais cela ne veut pas dire qu’ils parlent et écrivent arabe. Loin de là !

Les statistiques révèlent que le taux global d’alphabétisation (en mooré, en arabe, en français, en dioula, tout confondu) était de 29,7% en 2019, lors du recensement de la population.

 

Si la population entière est alphabétisée à hauteur de 30%, comment ceux qui sont alphabétisés en arabe peuvent-ils atteindre 70% de la population ?

 

Le taux brut de scolarisation au primaire a atteint 88,8 pour cents en 2019. Le taux d’achèvement du primaire est de 61,7 pour cents. En d’autres termes, 88,8% des enfants qui naissent dans notre pays vont à l’école primaire, et 61,7% terminent le primaire. Il y a 2500 écoles franco-arabes au Burkina, dont environ 400 pour le post-primaire. Les écoliers qui fréquentent les écoles franco-arabes au niveau du primaire, représentent 9% de l’ensemble des écoliers du primaire.

 

Comment, sur quelle base et par quelle magie, avec toutes ces données citées plus haut, on peut aboutir à une population arabophone qui ferait 70% de la population totale ?

Vous semblez confondre le fait d’être musulman avec le fait d’être arabophone. On dit généralement que les musulmans repressentent entre 60 et 70% de la population, ce qui, du reste, n’est pas vérifié. Même si cela était vrai, cela n’implique pas que 70% de la population est arabophone.

Cela dit, la question que vous posez, celle de l’intégration des arabophones dans l’Administration est légitime et mérite considération. Et je crois savoir que les différents régimes qui se sont succédé l’ont examiné.

 

Rien que samedi dernier, sur la page Facebook du Ministère en charge de la Fonction publique, j’ai vu la publication des résultats d’un concours de recrutement de professeurs des écoles, option franco-arabe.

Par ailleurs, le 20 mai 2014, notre pays a lancé le Projet d’appui à l’enseignement primaire bilingue Franco-Arabe (PREFA), avec l’appui de la Banque Islamique de Développement (BID).

L’accord cadre en a été conclu le 20 mai 2014, pour une durée de quatre (4) ans. Cette phase du PREFA devait se clôturer en décembre 2018. Cependant, compte tenu de la pertinence du projet, le gouvernement du Burkina Faso, à travers le Ministère de l’Education Nationale, de l’Alphabétisation et de la Promotion des Langues Nationales (MENA-PLN), a bénéficié d’un contrat de subvention du Fonds Fiduciaire d’Urgence de l’Union Européenne (UE) pour poursuivre la mise en œuvre du programme.

Vous et les membres du bureau de la communauté musulmane êtes parfaitement informés de ce projet.

 

En écrivant cette lettre, je suis tombé sur les images d’une cérémonie datant du mardi 25 mai 2021, où vos représentants et le ministre de l’Education nationale, de l’Alphabétisation et de la Promotion des Langues nationales, recevaient des mains de Monsieur Luc Hallade, Ambassadeur de France, (oui le même) un appui de soixante et un millions quatre mille huit (61 004 008) FCFA au profit des écoles franco-arabes.

La question ne se pose pas uniquement au Burkina. Elle se pose également au Niger, au Mali, au Sénégal, etc., pays dont les proportions de musulmans et même d’arabophones sont largement supérieures à celle du Burkina.

Ainsi, le 20 février 2020 à l’hôtel RAN de Ouagadougou, s’est tenue un forum sous régional sur l’employabilité des jeunes sortants des écoles franco-arabes (EFA). Ce forum avait pour objectif de favoriser un partage d’expériences entre le Burkina, le Mali, le Niger et le Sénégal, en vue de l’insertion professionnelle de ces scolaires. Votre représentant y était.

 

Tout cela montre que, non seulement la question n’est pas taboue, mais que tous les régimes successifs ont cherché une bonne solution au problème.

 

Dans le même registre, le Projet d’appui à l’éducation bilingue franco-arabe (PREFA) a organisé un atelier national de réflexion sur la problématique de l’éducation bilingue franco-arabe les 2 et 3 septembre 2022 à Bobo-Dioulasso. Lors de cet atelier, le représentant de la Fédération des associations islamiques du Burkina (FAIB), El Hadj Ahmad Sanogo, a déclaré : « Nous constatons une volonté politique à travers les nombreux ateliers de renforcement de capacités et la prise de résolutions en rapport avec nos recommandations ».Le coordonnateur du PREFA, Amadou Sidibé, a précise que l’atelier allait aussi se pencher sur la subvention de l’Etat en faveur de la FAIB, afin de trouver une réponse adéquate à l’insertion socioprofessionnelle de « 400 000 diplômés ». Où est l’escroquerie et l’injustice dont vous parlez ? Quand vous présentez les choses, donnez toutes les informations !

 

Monsieur le Président,

Toujours dans votre argumentaire, vous dites que c’est parce qu’on privilégie les francophones contre les arabophones que rien ne marche. Par là, vous insinuez que si le pays était dirigé par les arabophones, les choses iraient mieux.

 

En Afrique, il y a 11 pays où l’arabe est la langue officielle ou la langue de travail. Ce sont :

L’Algérie,

Djibouti,

L’Egypte,

La Libye,

Le Maroc,

La Mauritanie,

La Somalie,

Le Soudan,

Le Soudan du Sud,

La Tunisie,

Et le Tchad.

Etes-vous sûr que les choses marchent dans tous ces 11 pays mieux qu’au Burkina ? Même avec notre défi sécuritaire ?

 

Pour aller hors du continent, les peuples de la Syrie, du Liban et du Yémen sont-ils plus heureux que les Burkinabè ? Je n’en suis pas sûr ! Sinon, pourquoi les peuples de Tunisie, d’Egypte, d’Algérie, du Soudan et de la Syrie se sont-ils soulevés contre leurs dirigeants arabophones ? Parce que ça ne va pas.

Un pays va selon sa gouvernance. Et en la matière, ce n’est pas une histoire de francophone ou d’arabophone. La corruption, la mal gouvernance, les inégalités sociales etc. sont aussi bien présentes dans les pays dirigés par les francophones que dans les pays dirigés par les arabophones.

 

L’origine du terrorisme

D’ailleurs, Monsieur le Président, d’où nous vient le terrorisme islamiste qui massacre actuellement nos populations ? Il est venu des pays arabes, à partir de Alqaida et de l’Etat islamique. Et il est né là-bas à cause des contradictions au sein de la société arabe.

Dans son combat à la tête de Al Qaida, Oussama Ben Laden avançait toujours 3 motifs principaux :

La corruption des dirigeants arabes, notamment de la famille royale, qui dépensait l’argent du pétrole sans penser aux pauvres ;

Le fait qu’ils ne pratiquaient pas « le vrai islam » enseigné par le prédicateur Mohammed Ben Abdelwahhab, fondateur du wahabisme ;

L’inféodation des dirigeants saoudiens au « grand Satan », c’est à dire les Etats-Unis d’Amérique à qui ils ont donné le pétrole saoudien et à qui ils ont permis de « souiller les lieux saints avec leurs bases militaires ».

L’Etat Islamique, quant à lui, est né en Irak et en Syrie. Il était essentiellement motivé par la revendication du Califat, une vielle querelle entre musulmans. D’ailleurs, en 2014, il a proclamé son chef Abou Bakr Al Baghdadi comme étant le nouveau Calife, basé en Irak, ce qui a immédiatement signé sa rupture d’avec Al qaida.

 

Ce sont donc, à l’origine, des querelles de doctrine au sein de la religion musulmane et des critiques à l’égard des dirigeants arabophones qui ont donné naissance au terrorisme islamiste.

Si les dirigeants arabophones avaient bien géré leurs pays, le terrorisme islamiste n’allait pas naître sur leurs terres et nous serions dans la paix aujourd’hui.

 

Monsieur le Président,

Vos propos font germer des risques d’une guerre civile, par l’esprit de division que vous théorisez sans gêne. Le Burkina Faso est un pays laïc, et le restera.

 

Les sentiments d’injustice sont légitimes, mais doivent être posés et traités dans le cadre de la république, et dans le sens du vivre-ensemble. D’ailleurs si on ouvre le débat, ce n’est pas sûr que ce sont les frustrations que vous évoquez qui tiendront le haut du pavé.

Votre sortie hasardeuse n’est malheureusement pas un cas isolé. A longueur de journées, nous voyons plusieurs personnes tenter d’instrumentaliser les religions pour des intérêts égoïstes et politiciennes.

 

Et, pour votre rang et en vertu de l’humilité qui est enseignée à tout musulman, je vous suggère de demander solennellement pardon au peuple burkinabè pour ces propos qui ne devraient pas être tenus.

Cordialement !

 

Abdoulaye Zoungrana

Citoyen burkinabè

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