Quelques aspects sémantiques des pronoms non personnels du fulfulde

DIALLO Asséta

Chargé de recherche

Institut des sciences des sociétés (INSS)

Centre national de la recherche scientifique et technologique (CNRST)/ Burkina- Faso

assetadiallo1@hotmail.fr

Résumé

Ce travail est une réflexion tirée d’un article scientifique portant sur la description des pronoms non personnels du fulfulde. Au Burkina Faso, le fulfulde a le statut de langue nationale. En plus d’être parmi les trois premières langues nationales les plus parlées dans le pays, il est utilisé comme médium et/ou matière d’enseignement du primaire à l’université. Cette réflexion porte sur l’étude d’un aspect sémantique véhiculé par les pronoms non personnels de cette langue.

 

  1. Introduction

Comme l’a enseigné F. de Saussure, l’un des grands linguistes de tous les temps, le signe linguistique est semblable à une médaille. En effet il comporte deux faces bien que différentes mais indissociables. Il s’agit bien du signifiant et du signifié. Ces deux réalités sont nécessaires pour parler de signe linguistique. Pour tout signe linguistique, le sens est un élément fondamental. Les pronoms non personnels du fulfulde véhiculent un certain nombre de valeurs en rapport avec le sens. Le présent travail se pose la question suivante comment l’information sur la taille est véhiculée par les pronoms non personnels. L’objectif visé par ce travail est d’étudier le sens des pronoms non personnels du fulfulde. Spécifiquement il est question de faire un inventaire des pronoms concernés ; de déterminer leur sens de façons générale et de déterminer l’information sur la taille.

  1. Méthodologie / Matériel et Méthodes

Cette recherche est une synthèse des résultats d’un article scientifique. Un aspect des données collectées, traitées puis analysées de A. DIALLO (2023) sert de matériau pour l’élaboration du présent travail. La méthodologie a consisté à trier les données existantes et à les analyser du point de vu du sens.

  1. Résultats

Suite aux analyses, nous présentons les résultats sur deux points : l’inventaire des pronoms et leur analyse sémantique.

 

3.1. Inventaire des pronoms

Le fulfulde langue à classe nominale distingue deux classes : la classe des humains et la classe des noms humains. L’ensemble des pronoms de la langue dérive de ces deux grandes classes. Nous désignons donc par pronoms non personnels, l’ensemble des pronoms issus de la classe des non humains. Ces derniers servent à désigner des objets, des choses et des animaux de tout genre en dehors des êtres humains. Les pronoms non personnels sont à l’image des morphèmes de classe dans la langue. Au regard donc du nombre élevé des morphèmes on dénombre dix-huit pronoms non personnels simples selon le dialecte étudié. Ces derniers se présentent comme suit :

Pronoms Nombre
Ndi Personnes du singulier
Nde
Ndu
Nga
Nge
Ngo
Ngu
Ngal
Ngel
Ngol
Ka
Ki
Ko
ɗam
ɗum
koy Personnes du pluriel
ɗe
ɗi

 

Chacun de ses pronoms à un correspondant à forme complexe. Ces derniers ne seront pas présentés dans la présente étude.

 

3.2. Analyse sémantique

La sémantique s’occupe de l’étude du sens. Cette étude du sens peut porter sur plusieurs éléments à savoir le lexique, le discours, etc. Il est question ici de la sémantique lexicale. Pour C. Schwarze (2001 :1) la sémantique lexicale est :

« L’étude linguistique du sens des mots. Le sens d’un mot donne est un potentiel de référence, code et représente dans le lexique mental. Dans le discours, la référence s’établit sur la base de trois instances : le sens lexical, l’information fournie par un contexte ou une situation et les connaissances non-linguistiques. Se superpose ainsi à la représentation lexicale une représentation discursive, souvent modifiée, souvent plus riche ou plus précise ».

Cette définition de la sémantique lexicale a le mérite d’être claire et nous permet de mieux apprécier le sens des pronoms étudiés. La détermination du sens va porter non seulement sur le sens lexical mais aussi sur l’information fournie par un contexte ou une situation.

  • Le sens lexical

Par rapport au sens lexical, il ressort de nos analyses que tous les pronoms non personnels sont des délocutifs ; c’est-à-dire des pronoms de la troisième personne soit du singulier soit du pluriel.

Ndi, nde, ndu, nga, nge, ngo, ngu, ngal, ngel, ngol, ka, ki, ko, ɗam, ɗum Il/elle
koy ɗe ɗi Ils/elles

On dénombre quinze pronoms de la troisième personne du singulier et trois pronoms de la troisième personne du pluriel.

  • Information sémantique liée à un contexte ou une situation

Cette partie est consacrée seulement à l’expression de la taille. Comprenons par la taille, l’expression du diminutif et de l’augmentatif dans la langue. La richesse de la langue permet de d’exprimer la grandeur ou la petitesse à travers le pronom. C’est le cas par exemple des pronoms suivants :

Augmentatif Diminutif
Nga Ngel
Ko Koy
Ngu

Nga et ngel des pronoms du singulier. Ko et koy sont respectivement les pluriels de nga et koy.

Nga ne véhicule pas toujours la valeur de l’augmentatif. Dans certains cas il exprime généralement la taille normale des choses. Cependant dans certains contextes il est sciemment employé pour exprimer l’augmentatif et le plus souvent cette idée est accompagnée d’un autre sens : celui de la laideur.

 

Exemple :

Ko’a makko na naawa ; nga sukku, ko saabi dey nga naawataa

// Ko’a : tête grosse/makko : sa/ na : particule de conjugaison/naawa : faire mal/ ; nga : pronom non personnel/ sukku : touffue/, ko saabi : pourquoi/ dey : particule/nga : pronom non personnel/naaw-ataa : idée de faire mal+négation// « sa grosse tête lui fait mal, elle est touffue de cheveux pourquoi ne fera-t-elle pas mal ? »

Nga : exprime à la fois la taille de l’objet désignée mais aussi donne l’information sur la beauté de la chose. Nga exprime un état de laideur. Quelque chose de désagréable à la vue. « ko » est systématiquement le pluriel de ce « nga ». Son usage est l’expression de l’augmentatif et de la laideur au pluriel.

Ngel et koy expriment le diminutif, la petitesse. Par ailleurs ils peuvent véhiculer l’idée de beauté contrairement aux deux premiers. Même si la chose désignée n’est pas petite mais qu’elle plait au locuteur, il peut faire usage de ngel ou koy pour exprimer cette affection.

Nga et son pluriel ko s’opposent à ngel et son pluriel koy. Les deux premiers en plus d’exprimer l’augmentatif expriment la laideur. Par contre ngel et koy en plus d’exprimer le diminutif peuvent exprimer la beauté.

Quant au pronom ngu, il exprime la petitesse avec une connotation très péjorative. Contrairement à ngel, ngu n’exprime pas la beauté. Il exprime quelque chose de détestable. Dans le même ordre d’idée, bien qu’étant un pronom non personnel, il peut être utilisé pour des personnes dans l’intention de les mépriser de les traiter comme des non humains.

Ngu warii « il/elle est venu(e) » lorsque cette phrase est dite pour une personne l’interprétation peut être : une petite personne pas en fonction de sa taille mais de l’estime que le locuteur a de lui ; une personne minable.

  1. Conclusion

Les pronoms non personnels à savoir « nga, ko, ngel, koy et ngu » du point de vu sémantique peuvent donner lieu à des interprétations. Ces dernières sont fonction de la taille et de la beauté/laideur. En termes de taille, ils expriment l’augmentatif et la petitesse. Le constat est que ceux exprimant l’augmentatif expriment également la laideur. Ceux exprimant le diminutif expriment l’idée de beauté. Ce qui n’est pas le cas de ngu, qui exprime le diminutif avec une connotation péjorative.

  1. Références bibliographiques

Asséta DIALLO (2019). « Les interrogatifs du fulfulde » in Cahiers du CERLESHS, Tome XXXI, n° 60, Presses Universitaires de Ouagadougou (PUO), Ouagadougou, pp 39-54.

Asséta DIALLO (2023). « Les pronoms non personnels du fulfulde », Akofena, Volume 2, numéro 008, L3DL-CI, Université Félix Houphouët-Boigny, Côte d’Ivoire, pp. 269 à 278

Asséta DIALLO, Yacouba KOURAOGO (2019). « Les pronoms personnels du fulfulde » in Journal Africain de Communication Scientifique et Technologique, Numéro 72, IPNETP, Abidjan, pp. 9298-9310.

Christoph SCHWARZE (2001). Introduction à la sémantique lexicale Gunter Narr Verlag Tübinge, Germany, p 149

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