Epidémie de dengue au Burkina Faso, L’Autopsie (1ère partie).

Epidémie de dengue au Burkina Faso

L’Autopsie

(1ère partie)

Par Daouda Emile OUEDRAOGO

Ouedraogodavid597@gmail.com

A la date du 10 décembre 2023, 146 878 cas suspects, 67 658 cas probables et 688 cas de décès de dengue enregistrés, selon le Ministère de la santé du Burkina Faso. La dengue fait rage. Une première au Burkina Faso. Entre suspicions, interrogations et accusations : une petite recherche.

 

« Il est mort de la dengue… ». « Quel âge avait-il ? » « 32 ans ». L’épidémie de dengue officiellement déclaré à Bobo – Dioulasso, le 28 août 2023, continue de faire des victimes. Certains pointent du doigt le lâcher des moustiques, opéré par le projet Target Malaria en 2019 à Bana (15 Kms de Bobo-Dioulasso). D’autres, l’insalubrité de nos logis, nos rues. Bref, notre environnement. Il ne s’agit pas de faire le procès d’une organisation. Encore moins d’accuser X ou Y. Il s‘agit de comprendre ce qui se passe. Il s’agit de se poser les vraies questions en vue d’y trouver des réponses idoines. De quoi s’agit-il ? D’abord, les acteurs et les vecteurs. Le Projet Target Malaria, l’Agence nationale de Biosécurité (ABN), la Fondation Bill et Melinda Gates, les populations du Burkina Faso en général et celles de Bana en particulier sont les acteurs. Les vecteurs : les moustiques. L’anophèle et « aedes Aegypti » (moustique tigre). Target Malaria travaillent avec des moustiques génétiquement modifiés (MGM). Au delà de ces acteurs et vecteurs, deux précisions : 1- la dengue est une maladie virale, causée par un moustique, appélé « aedes aegypti » ou moustique tigre. Ce même moustique transmet aussi le Zika, le Chikungunya. 2- Selon l’OMS, « le paludisme se propage à l’être humain essentiellement par la piqûre de certains anophèles femelles infectés. Il peut également se transmettre par transfusion sanguine et par des aiguilles contaminées. »

 

23 novembre 2023. Emission Santé Mag de la Télévision nationale du Burkina Faso. L’animatrice de l’émission, Maïmouna Dao pose la question au responsable du projet Target Malaria, Pr Abdoulaye Diabaté : « Certaines populations incriminent la recherche scientifique en faisant le lien avec le lâcher en 2019, des moustiques génétiquement modifiés dans la région des Hauts-Bassins à travers le Projet Target Malaria et cette flambée des cas de dengue. Est-ce qu’il y’a un lien. Que répondez-vous à ces affirmations ? »

Pr Diabaté réponds : «… Je ne vois absolument aucune base rationnelle qui puisse réellement sous-tendre de telles allégations. » Il explique que « les gens sont dans l’émotionnel parce qu’on a une épidémie de dengue sans précédent qui crée la psychose. » Faisant appel à « des faits et à des arguments scientifiques », il dit que le Burkina Faso « a connu des épidémies de dengue en 2013, 2014, 2016, 2017 même si les amplitudes n’étaient pas aussi grandes que maintenant. Et, Target Malaria n’était pas opérationnel… Les moustiques n’avaient pas été lâchés. Les moustiques ont été lâchés en 2019. Pourtant, on a eu ces épidémies ». L’animatrice relance : « Cette année, elle est très importante…. » Pr Diabaté rebondit : « Exactement… » Il cite des pays de la sous-région tels que la Côte d’Ivoire, le Mali, le Niger, le Sénégal. Ils connaissent des épidémies de dengue… « Target Malaria a travaillé avec des moustiques spécifiques qui sont responsables de la transmission du paludisme. On parle ici de la dengue. Ce sont 2 moustiques complètement différents. La typologie du moustique responsable de la dengue est totalement différente de celle du paludisme. Il n’y a aucun lien. On fait un faux procès à Target Malaria » clame le Pr Diabaté. « Mais que deviennent ces moustiques génétiquement modifiés à ce jour ? », questionne Maïmouna Dao. Il répond. Sa réponse défie toutes les certitudes scientifiques admises à ce sujet. Pourquoi ?

 

Décortiquage

 

« Monsieur Target du Burkina Faso » fait un historique avant d’affirmer : « …Le premier lâcher qui a été réalisé en 2019, était avec des moustiques génétiquement modifiés mâles stériles auto-limitatifs. Cela veut dire qu’une fois, vous le lâchez sur le terrain, le gène va disparaître avec le moustique. Parce que, comme il n’arrive pas à la transmettre à sa descendance, suivant le fait qu’il est stérile, du coup, le gène disparaît. Nous avons fait le suivi. A partir de 2019, durant 20 jours consécutifs, jour après jour, après le lâcher, on partait sur le terrain, on collectait. Et, on s’est rendu compte qu’au bout du 20ème jour, pratiquement les moustiques avaient disparu. » La contradiction ? Irina Vekcha l’apporte. Sur infOGM, le 1er février 2021 : «La construction génétique concernée par la première phase du projet de Target Malaria, appelée Ac(DSM)2, a été créée en 2008 dans le laboratoire de Andrea Crisanti, au Collège Impérial de Londres, membre du projet Target Malaria… Cette modification transgénique se transmet selon les règles classiques de l’hérédité, à la moitié de la descendance. Il ne s’agit pas de forçage génétique qui se transmet de façon hégémonique à toute la descendance. » C’est clair. L’auteur va plus loin : « La construction transgénique Ac(DSM)2 « a été créée de façon synthétique à partir de données séquencées et elle n’a jamais été exposée au processus du développement des organismes vivants » (Target Malaria b). Cela signifie qu’elle n’a jamais fait partie d’un organisme vivant et que ses manifestations sont inconnues. » Plus troublante est cette affirmation : « Le transfert de la construction génétique vers la population locale et vers d’autres espèces de moustiques est possible. Premièrement, la population lâchée en 2019 contenait aussi, et malencontreusement, un petit nombre de moustiques femelles génétiquement modifiées, estimé par Target Malaria à moins de 0,5% (Target Malaria b, Hayes et al. 2018). Deuxièmement, le taux de recapture de moustiques génétiquement modifiés pendant le suivi était particulièrement faible (entre 0,3% et 1,7%) (Hayes et al., 2018). Le faible taux de recapture crée un risque de propagation des moustiques génétiquement modifiés hors de la zone du site d’essai, propagation qui peut être favorisée par des vents (Dunphy, 2019). Et, troisièmement, Target Malaria écrit qu’il existe un risque que le gène I-Ppo-I soit perdu ou réduit au silence et que la souche redevienne fertile (Target Malaria b). » Question : D’où vient que le Pr Diabaté Abdoulaye dise que tous les moustiques ont « disparu » de la nature lorsque Target Malaria dit que le taux de recapture est estimé entre 0,3 et 1,7% ? « On peut faire sa ? » pour faire humour. En rappel, « 14 850 moustiques mâles stériles génétiquement modifiés et leurs frères non modifiés ont été lâchés le 1er juillet 2019 » selon un communiqué de presse publié sur le site web de Target Malaria. Si on fait le ratio, environ 254 moustiques selon les propres statistiques de Target Malaria ont pu être capturés. Pr Diabaté poursuit : « Au-delà de ça, pour une année complète, chaque mois, on partait sur le terrain, faire les collectes. On faisait toutes les analyses. L’ANB, l’Agence nationale de Biosécurité peut vous confirmer que nous avons effectivement regardé : les moustiques avaient effectivement disparu de la nature. » A ce niveau ouvrons une parenthèse. De façon scientifique, il est admis qu’un résultat de recherche ne peut jamais atteindre un résultat de 100% du fait de la marge de l’incertitude estimée entre 3 et 5%. Alors, affirmer que tous les moustiques lâchés dans la nature avait disparu, ne correspond pas à la réalité. Lors de l’émission « Santé Mag » du 23 novembre 2023, la journaliste Maïmouna Dao a posé la question suivante: « Est-ce que l’objectif de ce projet dont la finalité était de réduire les cas de paludisme a été atteint ?» Il explique en partant des statistiques sur le paludisme pour en venir aux moustiques génétiquement modifiés (MGM). Et, c’est là que sa coince à y regarder de près.

 

Quelle espèce a-t-il été relâché à Bana ?

 

La question se pose. Car, le Pr Diabaté Abdoulaye n’est pas entré dans les détails lors de l’émission. Fouillons. Mais avant, un rappel. La Dengue est transmise par le moustique Tigre appélé « aedes aegypti ». Le paludisme est transmis par « certains anophèles femelles » selon l’OMS. Ici, il faut que le lecteur soit bien concentré pour comprendre ce raisonnement sinon, il risque de passer à côté du fond du problème. La clé de l’article est ici. En 2019, pour Bana, Target Malaria fait venir d’Italie des «œufs de moustiques mâles génétiquement modifiés » selon leur site web. Irina a dit plus haut que : « la population lâchée en 2019 contenait aussi, et malencontreusement, un petit nombre de moustiques femelles génétiquement modifiées, estimé par Target Malaria à moins de 0,5% (Target Malaria b, Hayes et al. 2018). » Déjà ici, il y’a 2 versions. Poussons la réflexion. Les moustiques lâchés étaient principalement des « anophèles coluzzi ». Or, pour rendre les moustiques mâles stériles, il faut impérativement utiliser une bactérie appélée « Wolbachia ». Pourtant, cette bactérie n’a pas été encore utilisée sur l’anophèle gambiae qui se trouve être l’anophèle responsable du paludisme en Afrique de l’Ouest. Elle a toujours été utilisée sur « aedes aegypti », le moustique responsable de la propagation de la dengue. Bill Gates le dit dans « GatesNotes », son blog, en anglais. Traduit en français, le mot dit ceci : « Le Programme mondial contre les moustiques vise à propager Wolbachia parmi les moustiques Aedes aegypti, un moustique tropical hôte de la dengue, de la fièvre jaune et d’autres virus. (Le paludisme se propage par un parasite transporté par le moustique anophèle et n’est pas au centre de l’effort de Wolbachia.) Avec le changement climatique, il y a urgence dans le travail du Programme mondial de lutte contre les moustiques. À mesure que les températures mondiales augmentent, les moustiques Aedes aegypti trouvent de plus en plus de régions du monde habitables, ce qui augmente la propagation de ces maladies. Le plus grand risque est posé par la dengue, qui infecte plus de 400 millions de personnes chaque année et en tue 20 000. 2 sources confirment cette affirmation. La première est l’Alliance for Science. Elle dit ceci: « Oxcitec Ltd commencera bientôt des tests sur le terrain de ses moustiques génétiquement modifiés auto-limitants en Mésoamérique et dans la Corne de l’Afrique… » C’était en avril 2022. L’article est signé par Joan Conrow sur le site web d’ « Alliance for Science ».

C’est un programme mondial lié aux moustiques

En mai 2022, Djibouti à travers le programme « Djibouti friendly Mosquito Program » a commencé les recherches. Le projet a été financé par la Fondation Bill et Melinda Gates à hauteur de « 18 millions de dollars » (11 milliards de f cfa). Ces études concernent les anophèles Stefensi et albimanus mais pas l’anophèle gambiae. Donc, il est dit clairement que la modification des moustiques de l’anophèle a commencé en 2022. Et, ils ont même donné 3 ans au minimum (une estimation), pour finir la recherche. Logiquement, ce sera en 2025 si les 3 ans sont respectés. Dans les Saintes écritures, il est admis que 2 témoignages rendent crédibles une affirmation. Sur le site de Target Malaria, il est écrit: « l’expérimentation sur la modification génétique des moustiques de l’anophèle est à sa phase d’expérimentation ». A chacun de tirer ses propres conclusions. Target Malaria a utilisé l’anophèle Coluzzi pour le lâcher des moustiques des moustiques à Bana. Pourquoi ? Parce que cette espèce a presque les mêmes capacités de microribonucléique que l’aedes : « Chez les moustiques, il a été démontré que les miARN régulent les processus impliqués dans le développement, la digestion et la reproduction (Hussain et al., 2016). De nombreuses études ont démontré que les miARN sont régulés transcriptionnellement en réponse à une infection virale (Campbell et coll., 2014; Dubey et coll., 2017; Liu et coll., 2015; Maharaj et coll., 2015; Zhou et coll., 2014). La régulation transcriptionnelle des miARN se produit chez Ae. aegypti en réponse au ZIKV (Saldaña et al., 2017), chez Ae. aegypti et Ae. albopictus en réponse à DENV (Campbell et coll., 2014; Liu et coll., 2015; Yan et coll., 2014; Zhou et coll., 2014) et CHIKV (Dubey et coll., 2017; Maharaj et coll., 2015), dans C. quinquefasciatus en réponse au VNO (Skalsky et coll., 2010), et dans Anopheles coluzzii en réponse à ONNV (Carissimo et coll., 2018). Les prédictions des cibles de miRNA peuvent être faites de manière bioinformatique et résultent souvent en centaines de gènes cibles potentiels, rendant la caractérisation fonctionnelle complexe », selon une étude publiée par John B. Conolly dans la revue Science direct en 2023. Question : Ne peut-on pas modifier des « anophèles coluzzi » pour y introduire des « wolbachia », responsables de la dengue dans la mesure où les œufs génétiquement modifiés sont venus d’Italie et que nos chercheurs n’ont pas eu à vérifier comment s’est fait la modification génétique depuis le départ ? Dans le domaine de la lutte contre le paludisme, au Burkina Faso, l’équipe du Pr Harouna Tinto a pu découvrir un vaccin. Cette équipe doit passer en 2024, à l’étape du test avec les adultes. 11 milliards de f cfa auront permis de booster cette recherche. Même si à ce propos, le Pr Diabaté Abdoulaye affirme qu’il y’a un seuil en dessous duquel, on ne peut aller dans le système de l’éradication du paludisme par ces méthodes, sans au préalable soutenir ses affirmations par des preuves scientifiques. Espérons que « Big pharma » ne va pas mettre des bâtons dans les roues du Pr Halidou Tinto.

 

De la durée de vie des moustiques et de la propagation de la maladie

 

Un chercheur basé en Californie a expliqué ceci : «lorsqu’on fait des modifications génétiques, il faut se donner au minimum 3 ans avant de commencer à percevoir les résultats. En plus de l’analyse de ces résultats, il faut se permettre une marge de manœuvre d’erreur entre 3 et 5% comme l’exige toute recherche scientifique. Concernant la durée des vies des moustiques, il est précis. Lorsqu’on lâche des moustiques dans la nature, en vue de s’accoupler avec des femelles pour les rendre stériles, considère qu’entre 3 à 5 % de ces femelles ne seront pas stériles. Elles donneront des moustiques fertiles. La durée de vie d’un moustique est estimée entre 20 et 30 jours. Donc, considérons qu’après chaque 30 jours, il y ait 5 % de moustiques des 14900 couplés qui se reproduisent. Chaque 6 mois, tu auras 3 générations de moustiques plus résistantes. C’est pourquoi depuis 2019, une partie des moustiques lâchés continuent de sévir. Toute nouvelle génération étant plus forte que la précédente. Et, s’il se trouve que ces moustiques sont infectés, ils donneront des maladies plus graves. Ceci explique-t-il pourquoi les cas de dengue sont sévères au Burkina Faso ? Un chercheur témoigne : «En ce qui concerne le cas des moustiques, ou de tout autre insecte, les deux dernières étapes (3-4) sont critiques car c’est là que des complications peuvent avoir lieu, en particulier avec les espèces de bio-ingénierie. Cela peut prendre de 3 à 10 ans avant que vous puissiez voir des incidents ». Que disent les étapes 3 et 4 du document confidentiel ?3- Libérer et établir des ennemis naturels. 4- Intégrer les nouveaux ennemis naturels dans le système de lutte antiparasitaire. Target Malaria est interpellé afin de rendre publique ses recherches pour apporter des réponses idoines concernant les étapes 3 et 4. Dans le même temps, s’il est admis que cela doit prendre entre 3 et 10 ans avant de voir des résultats ; s’il est admis que les moustiques se multiplient de génération en génération et, que la nouvelle génération devient plus puissante que la précédente ; s’il est admis que Target Malaria n’avait pas, en 2019 commencé les tests sur l’anophèle gambiae parce que les études en cours concerne l’anophèle Stefensi et l’anophèle albimanus (NDLR : programme lancé à Djibouti en 2022), alors, Target Malaria est interpellé. Partant, l’Agence nationale de Biosécurité doit rendre publique les résultats de la première phase de lâcher des moustiques en vue d’éclairer l’opinion nationale. Dans le Figaro en ligne du 02 octobre 2019, sous le titre « Les moustiques « modifiés », une fausse bonne idée ? », Delphine Chayet écrit, après le lâcher des moustiques génétiquement modifiés au Brésil : « Des chercheurs indépendants des universités de Sao Paulo (Brésil) et de Yale (Etats-Unis) affirment que les ingénieurs ont perdu le contrôle de leur expérience. Leur étude, publiée dans la revue Scientific Reports, montre qu’un petit nombre d’insectes engendrés dans le cadre de l’essai ont survécu à leur mort annoncée. Des fragments de leur génome fabriqué en laboratoire se sont propagés au sein de la population sauvage, au lieu de s’éteindre avec les insectes qui en étaient porteurs. » Je vous décrirai la suite dans la seconde partie.

Que faire ? Quels sont les apports de nos chercheurs « patriotes et indépendants »? Quelle indépendance technique et humaine dispose l’Institut de Recherches en Sciences de la Santé pour dire « Non » à un projet financé par la Fondation Bill et Melinda Gates ? Pourquoi l’Agence nationale de Biosécurité n’est pas représentative des chercheurs Burkinabé et n’a pas la compétence d’autoriser la phase II du Projet Target Malaria ? Qui finance et tire les ficelles pour envoyer d’innocentes populations à l’abattoir ? Eléments de réponse dans la seconde partie.

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