OUEDRAOGO Tiga Alain, Institut National des Sciences des Sociétés (INSS) /Centre National de Recherche Scientifique et Technologique (CNRST) alainoued1@yahoo.fr
DIO Adama, Université Joseph KI-ZERBO/ EDLESHCO/ LAREFOS dioadama2@gmail.com
- Introduction
Le document de vulgarisation porte sur la langue sã́n, une langue parlée dans le nord-ouest du Burkina Faso. Les auteurs soulignent tout d’abord l’importance de la langue sã́n en termes de nombre de locuteurs et de sa répartition géographique. Il met ensuite en évidence la diversité dialectale du sã́n, en particulier dans la région du Nord, avec trois grands parlers : le macɛɛ, le macaa et le mayaa.
Le problème central est le manque d’études approfondies sur le sã́n, en particulier sur le parler mayaa. Cette absence de description linguistique constitue un frein à l’utilisation de cette langue dans l’éducation et le développement de la communauté sã́n.
L’objectif de l’étude est de combler cette lacune en analysant les phonèmes consonantiques du parler mayaa de Bangassogo. Pour ce faire, l’auteur s’appuie sur une théorie phonologique spécifique qui permet d’identifier et de classer les sons d’une langue en fonction de leurs caractéristiques acoustiques et articulatoires.
En résumé, cette étude vise à contribuer à une meilleure connaissance de la langue sã́n, en particulier du parler mayaa, et à promouvoir son utilisation dans la vie sociale et culturelle des locuteurs.
2. Méthodologie
Le corpus collecté a été réorganisé en quatre catégories selon la catégorie morphologique des mots : noms, verbes, adjectifs et nombres. Nous avons regroupé ces mots par nombre de sons (sans considérer leur statut comme allophone ou phonème) : un son, jusqu’à neuf sons. A la suite de ce classement, les mots ont été sélectionnés par ordre alphabétique. Ceci nous a facilité la confrontation des différentes listes.
Nous avons utilisé les techniques de la commutation et de la distribution complémentaire pour identifier les phonèmes.
3. Résultats
3.1. Définition des consonnes selon les traits contrastifs
Les phonèmes ont la particularité d’avoir une articulation que l’on peut qualifier comme étant instable : elle est ferme à l’initiale et relâchée à l’intervocalique. Comme Bonvini(1974) pour le Kasim, en sã́n parler de Bangassogo, nous désignons les phonèmes à l’intervocalique comme étant des «consonnes lâches» par oppositions aux «consonnes tendues» à la position initiale dont l’articulation ne subit aucune modification.
Dans le tableau qui suit, nous donnons les réalisations de chacun de ces phonèmes et en dégageons les traits contrastifs :
Tableau de définition des consonnes selon leurs traits contrastifs
Phonèmes | Réalisations | Traits contrastifs |
/t/ | [-ṱ-] | laxité |
/p/ | [-p-] | laxité |
/b/ | [-b-] | laxité |
/m/ | [-m-] | laxité |
/d/ | [-d-] | laxité |
/f/ | [-f-] | laxité |
/n/ | [-n-] [- ̴ -] | laxité nasalité |
/c/ | [-c-] | laxité |
/ɉ/ | [-ɉ-] | laxité |
/ j / | [-j-] | laxité |
/w/ | [-w-] | laxité |
/l/ | [-l-] | laxité |
/k/ | [-k-] [-x-] | laxité friction |
/d/ | [-r-] | vibration |
/ɡ/ | [-γ-] | friction |
/s/ | [-s-] [-h-] | laxité friction |
/z/ | [-z-] | laxité |
/ŋ/ | [-ŋ-] | laxité |
Les phonèmes connaissent toujours une réalisation plus atténuée en position intervocalique, par rapport à la positioninitiale.
3.1. Les traits contrastifs
Le tableau 3 présente les traits contrastifs des phonèmes du SPB. Tous les phonèmes ont le trait de laxité. En plus de ce trait, les phonèmes /k, d, ɡ, s, n/ connaissent des traits de friction, de vibration et de nasalité simple.
3.1.1. Le phonème /k/
Le phonème /k/ se réalise à l’intervocalique avec une occlusion moins ferme qu’à l’initiale. Lorsque le débit du discours est très rapide et naturel, il se réalise comme une constrictive palatale sourde : [-x-],Exemples :
/ɲikã/ | → | [ɲìkã̀- ɲìxã̀] | « cheveu» | |
/lɛkɔ/ | → | [lɛ́kɔ́ – lɛ́xɔ́] | « accepter » | |
/kokojo / | → | [kókójó – kóxójó] | « intelligent » |
3.1.2. Le phonème /d/
En plus de son trait laxité, le phonème /d/ se réalise à l’intervocalique avec une vibration : [-r-]. /r/ et /d/ sont des allophones du même phonème /d/.
/r/ ne se réalise qu’à l’intervocalique même dans les emprunts au français comme par exemple :
‘’radio’’ [àràɈó]
‘’robe’’ [ɔ̀rɔ́bù]
/d/ se réalise à l’initiale et à l’intervocalique.
Exemples :
/ bʋda / | → | [bʋ̀rà] | « estomac » |
/ zadɔ / | → | [zàɾɔ̀] | « effacer » |
/ pɩdi / | → | [pɩ́rí] | « aujourd’hui» |
3.1.3. Le phonème /ɡ/
En plus de son trait laxité, le phonème /ɡ/ se réalise à l’intervocalique (entre voyelles lâches) avec une friction [γ].
Exemples :
/ tʋ̃gɔ / → | [tʋ̀̃γɔ́] | « grenier » |
/ sɛɡɛ / → ̃ | [sɛ́γɛ̃ ́] | « lance » |
/ bãɡɔ / → | [bã́γɔ́] | « tirer » |
3.1.4. Le phonème /s/
Le phonème /s/ se réalise à l’intervocalique avec une constriction plus atténuée par rapport à la position initiale. Lorsque le débit du discours est très rapide et naturel, il se réalise comme une constrictive glottale sonore [h].
Exemples :
/ gasa / → | [gàsà – gàhà] « épaule » | |
/ bisi / → | [bìsí – bìhí] « courir » | |
/ sʋsɔ / → | [sʋ́sɔ́ – sʋ́hɔ́] « insulter » |
3.1.5. Le phonème /n/
Le phonème /n/ est le seul à apparaître dans les trois positions. Son apparition en position initiale et médiane obéit au principe d’apparition de la majorité des phonèmes. En position finale, la consonne [n] représente la marque du pluriel. Elle résulte d’une élision vocalique puisque le ton de la voyelle élidée persiste et se déporte sur la nasale [n]. Cette hypothèse est vraisemblable si l’on se réfère à la marque du pluriel des parlers voisins. Prenons l’exemple du parler de Diouroum le mieux compris dans la zone selon Dio (2016).
Exemple : Singulier
Pluriel
Parler de Diouroum : nɛ́ « enfant » nɛ́nɔ̃ ̀ « enfants »
Parler de Bangassogo : nɛ́ « enfant » nɛ́ń « enfants »
Le phonème /n/ se réalise assez ferme à l’intervocalique mais il est atténué en finale absolue. En cette dernière position, /n/ se réduit à un simple trait nasal.
Conclusion
L’analyse phonologique des segments du sã́n parler de Bangassogo, a été opérée sur chaque unité suivant qu’on le considère sous l’axe paradigmatique ou sous l’axe syntagmatique. Cela a permis de dégager 18 phonèmes consonantiques.
Nous avons utilisé deux types de définitions : la définition selon les traits oppositionnels et la définition selon les traits contrastifs. Dans la définition selon les traits oppositionnels, chaque phonème a été défini par rapport à son lieu d’apparition, son mode d’apparition, sa sonorité et sa nasalité.
Références bibliographiques
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Djerma (Worokiatou), 2016. Esquisse phonologique du ցõ̀dú (dialecte Sànɩ́ parler de Toéni). Mémoire de Maîtrise, Université de Ouagadougou, UFR/LAC, département de linguistique, 124 p.
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Martinet (André), 1996. Eléments de linguistique générale, 4e édition, Paris, Armand Colin, 221 p.
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Platiel (Suzanne), 1974. Description du parler samo de Toma (Haute-Volta).Phonologie, syntaxe. Thèse de doctorat d’Etat, Paris V, Université Réné Descartes, 642 p.
Ouedraogo (Tiga Alain), 2011. Le kaadciine (parler soŋay de Wanobyã): phonologie et morphologie du nom et du verbe, Thèse de Doctorat Unique, Université de Ouagadougou. 306p.
Ce document de vulgarisation est tiré d’un article scientifique Tiga Alain OUEDRAOGO (2021), Le système consonantique du mayaa, dialecte sã́n, Parler de Bangassogo (SPB) Actes du premier colloque scientifique international du labodylcal en hommage au professeur flavien gbeto sur le theme « Terminologies en langues africaines : pratiques actuelles et perspectives pour la promotion des patrimoines, la science, l’enseignement et les productions spécialisées, Les Éditions LABODYLCAL, Laboratoire de Dynamique des Langues et Culture à Calavi, Abomey-Calavi (Bénin), 17, 18 et 19 février 2021, 787