«Contresens ou faux sens et des non-sens de langue sãn»

OUEDRAOGO  Tiga Alain, Institut des Sciences des Sociétés (INSS) /CNRST, Burkina Faso alainoued1@yahoo.fr

DIO Adama, Université de Dédougou, Burkina Faso dioadama2@gmail.com

  1. Introduction

Le sãn, langue mandé orientale, se divise en deux grands dialectes : le Nord (sani ou sanɛ) et le Sud (góɛ). Le dialecte Nord, parlé dans la province du Sourou au Burkina Faso, comprend onze sous-dialectes. Les difficultés d’intercompréhension entre ces sous-dialectes sont dues en partie à l’existence de « faux amis », mots à l’orthographe similaire mais aux significations différentes.

2. Méthodologie

Dans l’objectif de mobiliser des données conséquentes et  utiles à la réalisation de ce travail, une méthodologie rigoureuse a été adoptée. C’est aisni qu’un questionnaire lexical en français a permis de collecter un corpus de 800 mots usuels du dialecte sani. Ces mots ont été classés en plusieurs rubriques : numération, parties du corps, relations familiales, métiers/occupations, animaux/insectes, comestibles, qualificatifs, verbes et divers. Ceci pour toucher les différents aspects de la vie quotidienne des Sanan (peuple sãn).  

La collecte des données a été faite à l’aide d’un dictaphone. Le contenu du questionnaire a été proposé, en français, aux informateurs. Ceux-ci l’ont traduit dans les onze sous-dialectes du dialecte sani. Nous avons procédé nous-même à la transcription de ces traductions en utilisant les symboles de l’Alphabet Phonétique Internationale (API). 

Le corpus collecté a été réorganisé en quatre groupes selon la catégorie morphologique des mots : noms, verbes, adjectifs et nombres. Dans ces groupes, les homophones et les homographes ont été recensés et comparés par paire de sous-dialectes dans lesquels ils ont été identifiés. Il s’est agi de savoir si les mots comparés ont la même signification. Les différentes comparaisons ont permis d’aboutir aux résultats qui suivent.

3. Résultats

Exemples de contresens :

Lorsqu’un locuteur du sous-dialecte de Dianra dit à un locuteur du sousdialecte de Kiembara ceci : wɔ̃̀ cɛ́ nɔ́ « entre dans la maison ». Le locuteur du sousdialecte de Kiembara comprendra qu’il lui dit d’entrer dans le feu et non dans la maison parce que dans son parler, le terme cɛ́ signifie « feu » et non « maison ». Par conséquent ces deux locuteurs ne pourront pas se comprendre.

La phrase suivante : « à yà cĩ ́ pɛ́rɛ » sera comprise par « il a acheté de la cendre » par les locuteurs du sous-dialecte de Dianra. Ceux de Kassoum, Kiembara, Sané et Tougan la comprendront par « il a acheté la peau ». Les locuteurs du sous-dialecte de Yéguéré traduiront cette phrase par « il a acheté une maison ». 

On traduira à Toéni « il a mangé un os » par « à yà wára sɔn ɛ ». Les locuteurs de Bangassogo traduiront la même phrase par « il a mangé un pied/une patte. » Les faux amis sont aussi à l’origine de non-sens grossiers.

D’autres exemples :

Si un locuteur du sous-dialecte de Diouroum dit à un locuteur du sous-dialecte de Toéni cette phrase : « má gìi wɔ́rɔ̃̀ gána gɔ́.  », le locuteur de Toéni comprendra : « mon œuf est allé au village » au lieu de « mon père est allé au village. » ce que voulait dire son interlocuteur de Diouroum. 

« Má dá ń wú bɔ́sɔ rɛ. » Cette phrase est comprise par les locuteurs des sous-dialectes de Toéni et de Yéguéré par « ma mère prépare du tô. » alors que pour les locuteurs des sous-dialectes de Diouroum, Torosso, Kiembara, Kwarémenguel et Tougan, elle voudra dire « mon arbre prépare du tô. ». Ce qui est un non-sens.

Lorsqu’à Toéni on dit « à yá lé wɔ́rɛ », ce qui veut dire « il a marié une femme ». Cette phrase sera comprise à Bangassogo par « il a marié une bouche ». Ce qui est inimaginable.

4. Conclusion 

En somme, on retient que le dialecte sãn présente de nombreux « faux amis », créant des obstacles à la compréhension et à la traduction. Ces mots, aux sonorités similaires mais aux significations différentes, peuvent engendrer des malentendus importants.

Références bibliographiques

BOPP, Franz, (1866), Grammaire comparée des langues indo-européennes, 2e éd. Tome IV. Paris, Imprimerie nationale, M DCCC LXXVII. [En ligne]. [Consulté le 19 mai 2022]. Disponible à l’adresse : https://universalis.fr   

DEROCQUIGNY, Jules et KOESSLER, Maxime (1928), Les faux amis ; ou, les trahisons du vocabulaire anglais, Paris, Vuibert. [En ligne]. [Consulté le 18 décembre 2021]. Disponible à l’adresse : https://archive.org    

DIO, Adama, (2021), Le sãn du Nord (góɛ)  : variation dialectale et intercompréhension. Thèse de Doctorat unique en linguistique, Dialectologie/dialectométrie, Burkina Faso : université Joseph KI-ZERBO, 333p.

DUBOIS, Jean et al. (2001), Dictionnaire de linguistique. Paris : Larousse, 514 p.

Ce document de vulgarisation est tiré de l’article scientifique de Tiga Alain OUEDRAOGO  & Adama DIO (2022). Vrais et faux amis du dialecte sãn, in Djiboul Spécial N°06, Octobre-2022, Revue DJIBOUL Université Félix Houphouët-Boigny, Côte d’Ivoire : 96-105

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